Vigilance Palestine

Fable et Réalité
Appel à l'action en faveur de la population palestinienne

publié le lundi 13 avril 2009 sur le site :http://www.france-palestine.org

Dr Mustapha Barghouthi

Bien avant le commencement du massacre de Gaza par les Israéliens, ceux-ci avaient mis en place un tissu de mensonges de manière à détourner les critiques internationales de leurs actions.

Du sein des couches de cendres de Gaza, et de la ruine de milliers de vies, il est temps pour le monde et pour les partisans la Palestine d'élever la voix et de mettre en pièces ce tissu de tromperies avec la plus puissante des armes, la vérité.

LES FABLES

1 - Israël s'est complètement retiré de Gaza en 2005, et a travaillé à la paix avec « les partisans de la paix palestiniens ».

Bien que les Israéliens aient supprimé en effet leurs colonies de l'étroite bande côtière, ils n'ont nullement arrêté l'occupation. Ils ont continué à contrôler totalement les frontières, l'espace aérien et l'alimentation en eau de Gaza. Ils ont fréquemment opéré des raids aériens, et ont planifié des assassinats depuis leur retrait. De plus, après les élections parlementaires de 2006, Israël a imposé un siège complet à la Bande de Gaza. Pendant plus de deux ans, les Gazaouis ont vécu au seuil de la famine, et ont été privés des moyens d'existence les plus élémentaires. Le plus récent carnage n'est que l'aggravation de leur situation.

Pendant ce temps, en Cisjordanie, tout au long du processus de paix d'Annapolis négocié sous les auspices des Etats-Unis, Israël a intensifié son occupation des « pacifiques Palestiniens », sous la direction d'une Autorité palestinienne ''acceptable''. En 2008, le taux d'expansion des colonies israéliennes a été de 38 %. En outre, plus de 4950 Palestiniens ont été arrêtés – principalement en Cisjordanie –, et le nombre des postes de contrôle (NdT. checkpoints) est passé de 521 à 699. Le pire est que, au cours de l'année, et malgré le cessez le feu entre Israël et le Hamas, Israël a tué 546 Palestiniens, dont 76 enfants. S'il était vrai qu'Israël recherche la paix avec les soi-disant '' bons Palestiniens'', de qui parlent-ils exactement ?

2- Le Hamas a violé le cessez le feu, et la réaction d'Israël a été celle d'une autodéfense.

Le Hamas, globalement, a respecté pour sa part les conditions du cessez le feu – sauf lorsqu' Israël a mené des opérations offensives importantes en Cisjordanie. Israël n'a tenu aucun compte de son devoir d'arrêter le siège et les meurtres ciblés à Gaza.

Bien moins que le minimum jugé nécessaire de 450 camions par jour autorisés à traverser la frontière, dans les meilleurs jours ce sont 80 camions seulement qui furent autorisés à entrer ; la frontière restant hermétiquement fermée 70 % du temps. Tout au long du cessez le feu, les Gazaouis ont vécu comme des animaux, avec un total de 262 décès dus à l'absence de soins médicaux appropriés. Loin d'arrêter la violence, Israël a rompu officiellement le cessez le feu, le 4 novembre, tuant un certain nombre de Palestiniens, près de la frontière de Gaza.

Sachant ceci, il est difficile d'ajouter foi au discours israélien prétextant agir en situation d'auto défense, dans une confrontation qu'ils ont eux même provoquée. L'auto défense est une attitude réactive, tandis que le bombardement de Gaza avait été prévu plus de six mois avant que le cessez le feu n'arrive à son terme, ou puisse être renégocié. De plus, non seulement la presse israélienne a largement diffusé une campagne publicitaire afin de préparer l'opinion publique Israélienne et internationale à l'attaque ; mais Israël a aussi essayé de persuader les Palestiniens qu'une attaque ne devait pas se produire en ouvrant brièvement les accès (NdT. au territoire), en en déclarant que les réunions consacrées à l'éventualité d'une invasion étaient ajournées. Ce rapport stipulait qu'il y aurait un trop grand nombre de victimes dans une Bande de Gaza surpeuplée, sans aucune préparation à un massacre imminent.

Israël est la plus importante force militaire de la région et la 5eme au plan mondial. De plus, ils sont le 4eme exportateur d'armes et sont dotés d'un complexe industriel militaire pouvant rivaliser avec celui des USA. En d'autres mots, Israël a toujours eu le monopole complet de l'usage de la force – au point qu'ils utilisent des guerres comme celle de Gaza, comme une vitrine pour exposer leurs nouveaux engins de mort

3 - Ce fut une guerre contre le Hamas et son « infrastructure terroriste ».

Alors même que la télévision diffusait des images de femmes et d'enfants mutilés, Israël a eu le culot de clamer que les tirs étaient réglés de manière précise, et ne frappaient que des installations militaires qui, apparemment, comprenaient des hôpitaux, des écoles, des universités, des mosquées, des bâtiments publics et presque toute l'industrie privée.

Dans cette région où la population est la plus dense de la planète, des tonnes et des tonnes d'explosifs ont été lancés. Les missiles les plus sophistiqués possibles, n'ont pas fait de distinction entre les gens, selon leurs appartenances politiques. Ils ont simplement tout tué et tout détruit sur leurs trajectoires. Israël le savait, et comme l'ont démontré des expertises menées depuis l'attaque, ces choses ont politiquement renforcé le Hamas de façon significative, tout en ne causant que peu de dommages à sa branche militaire.

LES FAITS

Malheureusement, les crimes d'Israël les plus récents ne sont rien de nouveau pour les Palestiniens – nous avons subi de nombreux massacres et nous en subirons encore beaucoup d'autres. Les fables israéliennes aussi sont familières à la Palestine habituée à lutter alors que tout est contre elle, à la fois sur le champ de bataille et dans les médias. Israël a beaucoup investi au niveau de l'opinion publique à propos de ce conflit, car ils savent bien qu'un revirement dans l'opinion internationale concernant les faits du terrain, loin des fables israéliennes, est une menace beaucoup plus grande pour le calendrier sioniste que des fusées de fabrication artisanale. Certes, les dernières formes de résistance violente tendent à justifier et à légitimer l'oppression d'Israël par la mise en marche de leur machine bien huilée de communication hors de toute proportion.

Le monde est informé, et il croit ainsi qu'une ''guerre'' a lieu à Gaza – pas un massacre disproportionné, mené par le 5eme complexe industriel d'armement du monde contre une des dernières populations du monde dépourvues d'Etat. Le nombre de nos morts s'élève à 1400, tandis que l'agresseur pleure la perte d'une petite douzaine de soldats – la plupart étant morts du fait de '' feux amis'' israéliens. Pourtant le monde croit encore avoir assisté à une guerre et non à un massacre.

Le but réel de leurs missiles sur Gaza n'était pas le Hamas ou ses 'infrastructures'. Le but véritable était l'esprit de résistance des Palestiniens, et le courant grandissant de la non violence en Cisjordanie. Ils comprennent que ce courant, plus que tout, promet une inversion de rôles en matière de victime et d'oppresseur, dans l'opinion internationale.

Depuis les années 1920 et suivantes, la résistance palestinienne a été extraordinairement non violente. Le nombre de martyrs pacifistes non armés palestiniens de ce conflit dépasse largement le nombre de ceux d'entre nous qui ont combattu l'ennemi par des moyens violents. Du boycott aux grèves, y compris de la faim, des manifestations à l'action diplomatique, nous, palestiniens, nous sommes trouvés quotidiennement engagés dans la lutte non violente contre l'occupation de notre pays, et contre la violation permanente de notre dignité et de notre sécurité.

Les médias internationaux sont apparemment neutralisés par Israël, et ne remarquent pas cette forme non violente de résistance. Au contraire, ils choisissent de mettre en exergue les quelques cas de violence palestinienne, à tel point qu'aux yeux de la communauté internationale ceux-ci semblent d'une importance analogue aux crimes énormes de notre occupant.

Hormis le fait que notre non violence reste inconnue d'un monde qui a pris parti en faveur de notre oppresseur, nous continuons sans relâche. Nous continuons. Non que la non violence, la résistance, la constante recherche de la justice soient une ''stratégie'' dont nous espérons qu'elle renverse un jour l'opinion publique en notre faveur ; nous continuons au nom même de ce que nous sommes. C'est notre honneur qui dirige notre lutte plutôt que les humiliations et provocations permanentes de l'occupant.

La non violence est le juste moyen de parvenir à une juste fin. C'est une promesse pour nous mêmes que ''quand nous aurons finalement notre liberté, nous ne voulons pas seulement passer de l'état d'esclaves à celui de maîtres'', mais nous voulons briser ce cycle de haine et de pouvoir. A la différence de notre oppresseur, nous voulons apprendre les justes leçons d'un passé tragique.

APPEL A L' ACTION

Il ne suffit pas, pour les lecteurs de cet article, ou les nombreux partisans de la Palestine , de simplement digérer cette information et de poursuivre leur routine quotidienne. Nous ne pouvons pas pleurer plus longtemps sur notre solitude et constater notre manque de pouvoir.

Notre horreur et notre dégoût devant la récente tragédie de Gaza doit se transformer en action collective pour obliger les criminels à répondre de leurs crimes, et pour faire un travail de fond nécessaire à une paix et à une réconciliation durables.

DANS CE BUT NOUS DEMANDONS :

1 - La levée du siège moyenâgeux de la Bande de Gaza, et l'ouverture de TOUS les passages dans les deux sens dans un but humanitaire et économique.

2 - La fin de l'occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, et la mise en oeuvre d'un processus réel de paix visant à susciter une solution juste pour les réfugiés palestiniens, et un futur Etat voisin viable comprenant la Cisjordanie et la Bande de Gaza, avec Jérusalem Est comme capitale.

3 - Nous demandons la mise en place de commissions internationales et nationales indépendantes pour enquêter sur les présumés crimes de guerre israéliens. Une fois Israël déclaré coupable, nous demandons que les responsables gouvernementaux et militaires soient traduits devant un tribunal pour crimes de guerre, à la fois aux niveaux de l'Etat et des deux Etats, toutes les fois et partout où cela sera possible.

4 - Nous appelons la communauté internationale à cesser immédiatement toute forme de coopération militaire avec Israël, étant évident que son assistance sera régulièrement utilisée pour opprimer le peuple palestinien, et aussi pour saper l'autorité du droit international. En ce temps de crise financière mondiale, utiliser l'argent des contribuables pour financer la poursuite de notre occupation n'est ni moralement, ni logiquement justifiable.

Nous appelons encore, non seulement les gouvernements mais aussi les citoyens et les sociétés privées, à entreprendre une campagne de désinvestissements et de sanctions contre l'Etat d'Israël, sur le modèle du mouvement qui a réussi à mettre fin à l'Apartheid en Afrique du Sud.

5 - Nous demandons la suppression immédiate des privilèges d'Israël en politique internationale et dans les milieux économiques en raison de leur incapacité continuelle à respecter les Droits de l'Homme les plus fondamentaux. De plus, Israël ne devra pas être considéré comme un Etat partenaire possible de l'Union Européenne s'il refuse de reconnaître les principes les plus fondamentaux de la Charte de l'Union.

Dr Mustapha Barghouti, médecin, est le secrétaire général de l' « Initiative nationale palestinienne ». Il est membre du Parlement palestinien, et a été candidat aux élections présidentielles de 2005. Ses analyses ou points de vue sont accessibles sur le site web : www.palestinemonitor.org

Publié par C O R N E R S T O N E

N° 52 – Printemps 2009

Publication trimestrielle du Centre œcuménique de Théologie de la Libération SABÎL

(Traduction Roger Besançon-Matil)