J CALL, un appel à la raison bien déraisonnable
Israël-Palestine : appel à la raison
Un collectif de signataires (1)
mardi 20 avril 2010, 09:48
Or, nous voyons que l'existence d'Israël est à nouveau en danger. Loin de sous-estimer la menace de ses ennemis extérieurs, nous savons que ce danger se trouve aussi dans l'occupation et la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie et dans les quartiers arabes de Jérusalem Est, qui sont une erreur politique et une faute morale. Et qui alimentent, en outre, un processus de délégitimation inacceptable d'Israël en tant qu'État. C'est pourquoi nous avons décidé de nous mobiliser autour des principes suivants :
1. L'avenir d'Israël passe nécessairement par l'établissement d'une paix avec le peuple palestinien selon le principe « deux Peuples, deux États ». Nous le savons tous, il y a urgence. Bientôt Israël sera confronté à une alternative désastreuse : soit devenir un État où les Juifs seraient minoritaires dans leur propre pays ; soit mettre en place un régime qui déshonorerait Israël et le transformerait en une arène de guerre civile.
2. Il importe donc que l'Union européenne, comme les Etats-Unis, fasse pression sur les deux parties et les aide à parvenir à un règlement raisonnable et rapide du conflit israélo-palestinien. L'Europe, par son histoire, a des responsabilités dans cette région du monde.
3. Si la décision ultime appartient au peuple souverain d'Israël, la solidarité des Juifs de la Diaspora leur impose d'œuvrer pour que cette décision soit la bonne. L'alignement systématique sur la politique du gouvernement israélien est dangereux car il va à l'encontre des intérêts véritables de l'État d'Israël.
4. Nous voulons créer un mouvement européen capable de faire entendre la voix de la raison à tous. Ce mouvement se veut au-dessus des clivages partisans. Il a pour ambition d'œuvrer à la survie d'Israël en tant qu'État juif et démocratique, laquelle est conditionnée par la création d'un État palestinien souverain et viable.
C'est dans cet esprit que nous appelons tous ceux qui se reconnaissent dans ces principes à signer et à faire signer cet appel sur www.jcall.eu.
(1) Premiers signataires : Carine Alberghini, administratrice de société ; Paul Ambach, artiste ; Henri Atlan, médecin biologiste, philosophe ; Benjamin Beeckmans, administrateur de société ; Delphine Beeckmans, conseillère laïque ; Georges Bensoussan, historien ; Jal Bernheim, professeur ; Myriam Biot, présidente de Culture plurielle ; Marie-France Botte ; Armand Broder, avocat ; Samy Cadranel, médecin ; Benjamin Cadranel, chef de cabinet du Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale ; David Chemla, président de La Paix Maintenant ; Suzanne Chojnacki, secrétaire générale du CCLJ ; Elie Chouraqui, cinéaste ; Daniel Cohn Bendit, député européen ; Boris Cyrulnik, psychiatre ; Paul Danblon, journaliste ; Tamara Danblon, auteur de livres pour enfants ; Karsten De clerck, administrateur de société ; Elisabeth De Fontenay, philosophe ; René De Lathouwer, directeur d'entreprise ; Patricia De Wilde ; Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération helvétique ; Mony Elkaim, professeur honoraire de l'ULB ; Olga Elkaim-Grinszpun, enseignante ; Vincent Engel, écrivain ; Brigitte Feys, fonctionnaire ; Marc Filipson, libraire et éditeur ; Alain Finkielkraut, philosophe ; Gilles Fiszman, graphiste ; Santo Franco, homme d'affaires ; Liora Gancarski, enseignante ; Pierre Goldschmidt, ancien directeur adjoint de l'Agence international de l'énergie atomique ; André Goldwasser, ingénieur ; Pauline Gutman ; Henri Gutman, professeur d'université ; Guy Haarscher, professeur à l'ULB ; Isi Halberthal, ancien échevin d'Etterbeek ; Raphaël Halberthal, directeur commercial ; Tal Harel, enseignant ; Michèle Hirsch, avocate ; Emmanuel Hollander, publicitaire ; Géraldine Kamps, journaliste ; Louis Kanarek, professeur à l'ULB ; Claude Kandiyoti ; Georges Kiejman, avocat, ancien ministre ; Michèle Knoblauch, artiste peintre ; Joël Kotek, professeur à l'ULB ; Charles Kramarz, Ingénieur de gestion ; David Kronfeld, ingénieur ; Ivan Levaï, journaliste, Bernard Henri Levy, philosophe ; Renée Lewkowicz, administratrice de société ; Michèle Lieser, psychologue ; Pierre Mertens, écrivain ; Michèle Meyer, administratrice de société ; David Meyer, rabbin ; Sabine Missistrano, ancienne présidente de la Ligue des Droits de l'Homme ; Muriel Mordenfeld, directrice culturelle du CCLJ ; Solange Nebenzahl, philosophe ; Pierre Nora, membre de l'Académie Française ; Denis Olivennes, directeur général du Nouvel Observateur ; Willy Perelsztejn, gérant de société et directeur financier du CCLJ ; Serge Pollak, huissier de Justice ; Patrick G. Poty, docteur en sciences ; Freddy Raphaël, sociologue ; Foulek Ringelheim, écrivain ; Elisabeth Roudinesco, psychanalyste ; Dominique Schnapper, sociologue, ancienne membre du Conseil constitutionnel ; Marco Schneebalg, étudiant ; Avi Schneebalg, avocat ; Jacques Sojcher, philosophe et écrivain ; Donatella Soria, fonctionnaire européenne ; David Susskind, président honoraire du CCLJ ; Maurice Szafran, PDG de Marianne ; Armand Szwarcburt, administrateur de société ; Michèle Szwarcburt, présidente du CCLJ ; Selma Szwarcman, avocate honoraire ; Henri Tueiber ; Ina Van Looy, chef de projet, cellule formation jeunesse du CCLJ ; Georges Venet, juriste ; Eli Vulfs, gérant de société ; Stéphane Wajskop, administrateur de société ; Michel Weinblum, directeur Maison des Jeunes du CCLJ ; Annette Wievorka, historienne ; Willy Wolsztajn, artiste ; Nicolas Zomersztajn, journaliste ; Mirjam Zomersztajn ; Olivia Szwarcburt, Responsable Coopération Internationale.
Lundi 3 mai à 20 heures précises, grande soirée de lancement de l'appel J CALL (European Jewish Call for Reason) au Parlement européen, en présence de Daniel Cohn Bendit, Bernard Henri Levy, Avi Primor, Elie Barnavi, Zeev Sternhell, David Chemla, David Susskind et de représentants de J STREET, le nouveau lobby américain pour Israël et pour la paix. Modérateur : Maurice Szafran.
voici l'analyse du texte par Rudolf Bkouche de l'UJFP
Un appel à la raison bien déraisonnable
Un appel est publié sous le titre JCall qui se veut un appel à la raison sur la question Israël-Palestine. Cet appel lancé par des Juifs d'Europe veut être l'analogue du JStreet des Etats-Unis. Mais si JStreet se présente comme un autre lobby juif (il faut entendre le terme lobby au sens anglo-saxon, un groupe de pression) pour contrer le pro-israélisme d'AIPAC, JCall apparaît essentiellement comme un appel à sauver Israël d'une politique israélienne qui le conduit, selon les auteurs du texte, au naufrage. Mais JCall oublie que la politique israélienne du gouvernement actuel à l'encontre des Palestiniens s'inscrit dans la continuité et que cette politique, avant que d'être la politique de tel ou tel parti est inspirée par une idéologie, le sionisme, C'est le sionisme qui est en cause et les geignardises de "partisans de la paix" n'y peuvent rien. Se contenter de condamner la politique israélienne actuelle n'est qu'un leurre. Que les auteurs de ce texte soient sincères ou non importe peu.
Plutôt que de reprendre point par point les quatre principes de l'appel, nous nous proposons de démontrer en quoi ce texte n'ouvre aucune perspective, se contentant de ressasser le discours du sionisme de gauche.
Le point essentiel de l'appel est le renvoi à l'Etat juif et démocratique, leit-motiv du discours sioniste de gauche. Quand bien même la solution : "deux peuples, deux Etats" serait encore possible, on ne peut que rappeler que 20% de la population de l'Etat d'Israël dans ses frontières de 1949 définies par ce que l'on appelle la ligne verte est palestinienne et n'a aucune raison de devenir juive si on donne à ce terme la définition nationale de la doctrine sioniste. Dans ces conditions, demander que l'Etat d'Israël soit un Etat juif et démocratique revient à refuser la citoyenneté à une partie de sa population conduisant à une politique de discrimination, sauf à réaliser l'expulsion de la partie non juive de la population, ce que certains appellent pudiquement le transfert. En soutenant le principe d'un Etat juif et démocratique l'appel se situe dans un sionisme intransigeant oubliant que l'Etat d'Israël s'est construit au détriment des habitants de la terre sur laquelle il s'est constitué.
Il est vrai que l'appel répond à ce qu'il considère comme un danger, la démographie. Des lors qu'il a décidé de construire l'Etat juif en Palestine, le sionisme a rencontré le problème démographique. Il s'est alors donné pour objectif de renverser la démographie de la Palestine en renforçant l'immigration juive, politique facilitée par le refus des Etats européens de recevoir les Juifs qui fuyaient les persécutions nazies. Après la décision de partage par l'ONU et la guerre de 1948, l'Etat d'Israël se retrouvait avec 78% du territoire palestinien, situation qu'il acceptait en attendant mieux. Le mieux est arrivé en 1967 avec l'achèvement de la conquête de la Palestine. Mais le gouvernement israélien de l'époque ne pouvait annexer les territoires conquis, ce qui lui aurait apporté un surplus de population indésirable. Si, pour des raisons d'ordre symbolique l'Etat d'Israël annexait Jérusalem promis à devenir la "capitale éternelle" de l'Etat d'Israël, les gouvernements israéliens, à commencer par les gouvernements de gauche au pouvoir en 1967, ont pratiqué une politique d'annexion rampante sous la forme d'implantations, appelés communément en français "colonies". Ces annexions de fait rendent impossible la mise en place d'un Etat palestinien viable. Au mieux un tel Etat ne serait qu'une dépendance de l'Etat d'Israël.
Tout cela l'appel ne le dit pas en laissant entendre que la solution réside dans le principe "deux peuples, deux Etats". Rappelons que cette solution a été proposée par Yasser Arafat en 1988 et renouvelé en 1993 avant la signature des Accords d'Oslo, proposition que l'Etat d'Israël n'a jamais voulu entendre. Et pourtant la proposition d'Arafat acceptait que l'Etat d'Israël occupe 78% de la Palestine, l'Etat de Palestine se contentant des 22% restant ; "la paix contre les territoires" pourrait-on dire.
Alors que signifie aujourd'hui cet appel au principe "deux peuples, deux Etats". Pour le comprendre il faut revenir à une fiction entretenue par les sionistes de gauche. On dénonce la guerre de 1967 et les implantations dans les territoires occupées mais on oublie 1948. Ainsi on se dispense de parler du sionisme et de la conquête de la Palestine. On peut alors attaquer les gouvernements de droite en oubliant que les gouvernements de gauche ont pratiqué la même politique et dénoncer les "méchants colons" qui dénaturent le sionisme et mettent l'Etat d'Israël en danger. Effectivement il y a, pour les sionistes de gauche, un double danger, le danger démographique dont nous avons parlé ci-dessus, la dégradation de la belle image d'Israël, ce petit pays entouré d'ennemis qui a su reconstituer l'antique nation d'Israël et faire fleurir le désert. Aujourd'hui l'Etat d'Israël apparaît comme un pays guerrier, celui de l'agression contre Gaza, agression qui comprend à la fois les bombardements contre les civils de l'hiver 2008-2009 et le blocus qui empêche la population de Gaza de vivre normalement, celui aussi de l'occupation de la Cisjordanie dont on prend conscience de la brutalité, celui enfin de la discrimination à l'encontre de la population non juive de l'Etat d'Israël.
C'est cela qui fait la trame de JCall : sauver Israël.
Cet appel à la raison qui se veut un appel pour la paix n'est en fait qu'un appel à venir au secours d'Israël. Les Palestiniens ne comptent pas, sauf pour dire qu'ils représentent un danger démographique pour Israël. Il faut donc organiser un divorce à l'amiable pour permette à Israël de trouver la paix en tant qu'Etat juif et démocratique.
Il suffit de lire les commentaires de certains signataires pour comprendre combien ils sont contradictoires entre eux mais aussi contradictoires à l'appel. Apparaissant comme un appel à la paix, JCall a été entendu comme tel par nombre de signataires ; on comprend alors qu'ils l'aient signé même s'ils émettent des réserves sur les termes de cet appel. Cela s'appelle, de la part des auteurs du texte, de la manipulation. On se présente à peu de frais comme des partisans de la paix, et en ce qui concerne la France comme une autre voix juive qui s'oppose à un CRIF qui apparaît de plus en plus comme la voix du gouvernement israélien.
En cela JCall relève de la malhonnêteté intellectuelle.
rudolf bkouche
ujfp (Union Juive Française pour la Paix)
ijan (International Jewish AntiZionist Network)
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