récits de la 160ème mission CCIPPP
Sheik Jarrah
Bonsoir
deux jours et une nuit a Cheikh Jarrah , manifestation, nuit sur le trottoir et attaques de colons israéliens contre les familles palestiniennes expulsées!
Aujourd' hui, 3 morts palestiens à Naplouse
3 morts palestiniens à Gaza
aucun à Cheikh Jarrah,
mais demain?
Nous avons dormi sous la tente sur le trottoir avec les pères des familles palestiniennes expulsées.
A une heure du matin, des cris ont jailli d' une maison palestienne a 100 m du campement, nous avons accouru, des jeunes colons juifs israeliens attaquaient une famille palestinienne, avaient frappé quelques enfants et une femme enceinte. L'arrivee de renfort palestiens , de la police israelienne et la notre avec camera et appareils photos, les fait fuir. Nous apprecions aussi la venue d israeliens anticolonialistes, prevenus par les palestiniens et qui viennent s' interposer et filmer la scene. Nos photos permettent a la police d arreter quelques meneurs, sans illusion, car c est la meme police qui expulse les palestiniens et permet a ces colons de s installer dans leurs maisons. La nuit reste longue car le quartier est en ebullition et l angoisse est la, lot de tous les jours pour les camarades palestiniens.
Vers 11 h du soir les memes jeunes colons etaient venus narguer et provoquer Nasser et sa famille devant la tente. Nasser etait reste d un calme extraordinaire repondant tranquillement en hebreux aux provocations. Je me trouvais entre Nasser et le meneur, sentant l alcool, et qui excitait son groupe a l occasion du shabbat. Sarah , une fille de la mission, lui avait demande pourquoi il ne respectait pas les palestiniens, il avait repondu qu il ne respectait pas les animaux. Encore une fois, la haine etait d un seul cote.
Aujourd hui, apres cette nuit agitee, et apres quelques nouvelles provocations, vers une heure de l apres midi, les familles subissent une attaque des colons qui cette fois sont armes de pierres. L affrontement est violent, en photogaphiant en premiere ligne, j ai ete agresse par un jeune colon israelien arme d une pierre. je me suis applique a eviter les coups sans riposter et en protegeant mon appareil photo. Sarah aussi a ete agressee mais elle a eu le temps de prendre la scene en photo. Ma blessure a la tete tres superficielle saigne beaucoup ( meme si ce n est rien) et les camarades palestiniens nous ont demande d aller temoigner a la police, ce que nous avons fait avec les photos tres parlantes. Nous avons ete recu par un officier de police arabe israelien, ce qui peut laisser penser qu il poussera le dossier. Des agresseurs ont ete arretes, Sarah et moi, nous serons donc probablement convoque devant le juge pour temoigner les jours prochains. Nasser, Sellah, Leila et les autres etaient tres heureux de cette demarche.
Ces deux jours avaient debute par la manifestation du vendredi a Cheikh Jarrah, le quartier etait boucle mais la manif rassemblait plus de 250 personnes dont la moitie d israeliens activistes, pacifistes et aniticolonialistes. Les embrassades mutuelles palestiniens israeliens, les slogans ou banderolles partagees laissent augurer peut etre d un avenir meilleur.
J ai echange beaucoup en espagnol avec Elya, jeune juif israelien qui a honte de la politique de son pays et qui a paye son refus de faire son service militaire dans les territoires occupes de 6 mois de prison. Il est membre des anarchistes contre le Mur. Il est ami avec des palestiniens, il parle arabe. Lui aussi reve d un seul pays laic ou tous pourraient vivre avec les memes droits.
Nous passerons d autres nuits sur le trottoir de Cheikh Jarrah.
Les petits risques que nous prenons sont sans commune mesure avec ceux de nos freres et soeurs palestiniens.
De ce coeur du monde ou coexistent haine et solidarite,
bonne nuit
X
Une lune blessante
Un silence
Qui brise vent et pluie
Et change le fleuve en aiguille,
Dans une main qui tisse les arbres.
Un mur qui nage,
Une maison
Qui disparait chaque fois qu elle apparait.
Ils nous tueront peut etre
ou dormiront dans le vestibule.
Un temps qui demasque,
Une mort
Qui nous desire quand elle passe.
Mahmoud Darwich
Sheik Jarrah 29/12/2009
Bonjour
entre des nuits sur le trottoir a Cheikh Jarrah,
des rencontres, des echanges et des decouvertes,
la 160 ieme mission se poursuit.
Nous nous impregnions un peu plus chaque soir de la realite des expulsions, de leurs violences, de leur aspect humain mais aussi de leur planification politique.
La police a profite d un moment d inattention pour enlever la tente de Nasser du trottoir,
il le prend avec philosophie, c etait la 11 ieme fois depuis le 2 aout.
Il en a replante une autre, les palestiniens et les volontaires internationaux se relaient pour garder le campement.
La nuit derniere a ete calme, seuls deux colons israeliens sont venus taguer le mur d une des maisons,
nous les avons fait fuir avec les appareils photos.
Nous avons eu des nouveaux temoignages sur le deroulement de ces expulsions, sur l interdiction de planter des tentes sur le trottoir ( cela traumatiserait les enfants des colons de voir les enfants palestiniens expulses sur le trottoir d en face).
Il est tres clair que cela releve d une politique planifiee froidement comme l explique Michel Warschawski, militant anticolonialiste isrelien que nous avons eu la chance de rencontrer.
Israel cherche a pousser le plus loin possible la colonisation pour rendre impossible la concretisation d un etat palestinien, et considere les palestiniens comme des "presents-absents' terme juridique en israel qui permet de spolier quelqu un qui n est pas la. Vous retransmettre son analyse de la politique inspiree par Sharon en quelques lignes est impossible, mais nous permet de relier ce que nous vivons dans le concret de la rue a la geo politique .
Nous avons eu la chance en visitant le camp de refugies d Al Faouar, de participer a la fete de la liberation d un prisionnier qui revenait chez lui apres 7 ans de prison. K. a ete fait prisionnier a 14 ans pendant l intifada, pris une pierre a la main. Avec plusieurs retentions sans jugement de 6 mois renouvelables, il est reste 7 ans dans les geoles israeliennes. Il en ressort aujourd hui a 21 ans , la vie devant lui, ........ dans la resistance.
nous avons peu pu echanger avec lui,
tout le camp etait la pour le feter,
mais j ai ete frappe par son calme, son intelligence et sa maitrise.
N oublions pas qu on dit souvent que les prisons israeliennes sont la premiere universite palestinienne.
Pour la petite histoire, notre plainte a la police a effectivement peu de chance d aboutir,
si ce n est de nous interdir peut etre l entree du territoire une autre fois a Sarah et a moi,
d autant que notre agresion a ete relaye par journaux et teles palestiniens.
Mais la encore rien n est sur.
La marche internationale a Gaza a ete bloque entre le Caire et Raffah par les autorites egyptiennes,
Nous serons presents avec les palestiniens et les israeliens anticolonialistes le 31 pour essayer aussi d y aller par le Nord.
La vie continue malgre tout,
les enfants des expulsés vont a l'école,
nous jouons ensemble aux cartes sous la tente le soir
nous partageons "le pain et les olives"
Salae nous fait écouter les musiques qu il aime...
nous rions aussi ensemble de temps en temps.
Des trottoirs de Cheikh Jarrah
poche de résistance au colonialisme , mais aussi au néoliberalisme,
amitiés fraternelles
X
"J 'émigre seul
Dans mon corps, les villages
les cités detruites qui n 'ont pas suivi leurs prophétes.
Lointains sont les dieux,
Lointaine est mon étoile...
la nostalgie est un café
du vin
l' odeur d' une histoire, d' une géographie....
Les prophétes sont seuls, étrangers
Je reviens, routes et visions sont disséminées,
l' horizon est bas
l 'écho avance par la mort,
les pierres pluvieuses
Ma main a fait une lune de leur obus."
Khalid Abou
Eretz 31/12/2009
Nous étions hier entre 1000 et 1500 palestiniens, israéliens et internationaux
à etre massés devant les portes du check point à Eretz qui sont restes fermées.
Devant cette immense porte de prison qui fait froid dans le dos avec ses tourniquets, ses barbelés, ses miradors, son mur et ses soldats armés,
les drapeaux palestiniens claquaient au vent,
les gens chantaient et criaient,
les pancartes en arabe , en hébreu et en anglais se mélangeaient.
Moment d'émotion quand nous avons entendu des cris derrière le mur,
des gazaouites qui s'étaient aussi rassemblés.
Un peuple partage en deux,
de familles des amis qui ne peuvent se voir,
une zone de non droit ou la puissance militaire et l'autisme colonial d'Israel oppriment.
Un an apres le massacre, que fait la communaute internationale ?
le rapport Golstone a l'ONU prouvant qu'Israel a commis de nombreux crimes de guerre il y a un an, n'a pas été voté par la France.
J'ai aujourd hui honte d'être francais.
Les marcheurs pour Gaza qui sont du cote égyptien ont eux été bloqués au Caire,
par les autorités égyptiennes dans des péripeties qui frisent la farce et le ridicule.
La encore les autorites francaises ne sont pas intervenues.
Gaza peut crever avec la complicité de nos gouvernements.
De retour plus tot que prévu a Jerusalem, nous avons été passer la soirée du nouvel an à Cheikh Jarrah.
Sur le trottoir, sous la tente, nous avons partagé quelques gateaux et du jus d orange.
Une quarantaine de jeunes colons sont venus provoquer entre 22 h et 1 h du matin.
Arrogance, provocations verbales, épaules qui se frolent, le pire n est jamais tres loin,
tout peut exploser d un moment a l autre.
Dans la simplicité et le denuement, les échanges de voeux de notre coté ont été chaleureux et joyeux.
Aujourd hui, manif
puis nuit à Cheikh Jarrah
Je reprends l'avion demain,
rempli d'une saine colère,
serein et enthousiaste a la fois
X.
"Aux galets lisses de la vallée
à la plume de l'oiseau
aux fous de révolution
au gite ou se terre le lièvre
à celui qui s est écroulé en riant parmi les lis
au pain chaud, aux conducteurs de train
au lac
au laurier rose, au gardien du cimetière
à Neruda, aux dockers
à une enfant du Sud, à Sarah El Qassim
au chenapan de moineau
aux manifestations, au nid des grives
à Al Fakihani
à l'épi levant haut la tête
à Victor Jara
aux camarades du "Non"
à tous les carnavals d'anges
je dis BIENVENUE
je me mêle aux foules
j'embrasse un a un
tous les hommes
toutes les femmes
puis je mets ma petite main
au milieu de vos belles mains rugueuses
et nous marchons pour perpétuer ensemble
la boucherie de la liberte."
Ali Foudah
Sheik Jarrah 1er janvier 2010
nouvelle nuit a Cheikh jarrah,
nouvelle journée,
nouvelles agressions,
tout à l'heure, une vieille femme palestinienne a été bousculée violemment par un colon israelien,
elle a été évacuée en ambulance a l'hopital,
le jeune colon, le regard plein de haine, a été arrêté par la police,
a l'heure qu il est, il doit être relaché,
la vieille dame est toujours a l'hopital...
Le pire a été évité aujourd hui grâce à la présence de nombreux israeliens anticolonialistes ( Il y en a et d'autres) et à la visite d une délégation druze de la Galilée et du Golan.
Devant la délégation druze, Oum Kamal, une femme extraordinaire, la première des expulsés d'ici, et dont le mari est mort d'une crise cardiaque quelques heures après, a pris la parole.
Dignité, détermination, douceur à la fois
Cet épisode de l'après midi a fait que la police a bouclé le quartier,
.... et j ai raté mon avion.
Je vais essayer de racheter un autre billlet pour les jours suivants.
Je vous livre quelques tranches de vie des camarades expulsés palestiniens.
Hier soir, sous la tente, nous avons fêté l'anniversaire d'un des enfants.
Gateaux, ballons, chansons,
de la joie dans la résistance.
Une demi heure avant,
le police israelienne avait failli arrêter son papa,
qui, selon les colons israéliens, mettait la musique de sa voiture trop fort.
La présence des internationaux comme nous est utile quelquefois,... il n a pas ete arrêté.
Est arrivée hier soir au campement, Karen, jeune juive des Etats Unis,
en visite en Israël et Palestine.
Tres choquée et horrifiée par l attitude de ses corréligionaires,
elle s'est énervée et a insulté les colons puis a interpelé les policiers.
Elle a vraiment craqué et c'est Nasser qui l'a réconforté pendant deux heures.
Image symbolique ou le calme, la détermination et la tendresse sont du coté de celui qui souffre.
L'agence de l'ONU (l'UNRWA) est passé aujourd'hui enquèter
et nous a interviewés.
Les agents de l'ONU nous ont confié leurs difficultés de travail,
et en particulier qu'ils ne peuvent plus passer par les check points privatisés, en particulier celui de Barta'a.
Privatisations, murs, exploitation capitaliste,
La société israëlienne ne serait elle pas comme le théorise Jeff Halper, un laboratoire de la société mondiale qui se prépare?
Encore une fois, les mots ont sauvé des situations
les mots de Nasser, ceux de Oum Kamal,
ceux des druzes, ceux de l'ONU,
et ceux de Mahmoud Darwiche encore une fois me berceront ce soir.
Le soleil se couche sur Jérusalem,
le ciel s'embrase,
Assis sur un carton sur le trottoir de Cheikh Jarrah,
grâce à la wifi et un portable,
bonne nuit
X.
"Ancun peuple n' est plus petit que son poème. Mais les armes élargissent encore les mots a l' attention des vivants et des morts qui les habitent, les lettres font briller le glaive à la ceinture de
l 'aube et le désert manque de chansons ou en déborde."
Mahmoud Darwiche
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