rencontre avec Ziad Médoukh le 9 mars 2013
RENCONTRE AVEC ZIAD MEDOUKH
Samedi 9 mars 2013
Ziad Medoukh est à la fois écrivain, poète et universitaire Palestinien.
Professeur de français en Palestine, il est aussi le responsable du département de français et le coordinateur du Centre de la Paix de l’université Al-Aqsa de Gaza.
Diplômé de l’université Paris VIII en Sciences du Langage, il est l’auteur de nombreuses publications concernant l’enseignement du français en Palestine et la non-violence.
Très attaché aux principes de démocratie, liberté, éducation et aux droits de l’Homme, il est un conférencier infatigable sur Gaza et la Palestine.
Bibliographie :
- « GAZA, Terre des Oubliés, Terre des Vivants », 70 poèmes de la Paix Palestinienne
- « GAZA : Paix attendue », recueil de poèmes
- « Internet et l’enseignement de français en Palestine », thèse de 506 pages
*
Lors de cette rencontre, Ziad Medoukh soulève cinq thèmes :
1- La situation générale en Palestine, dans la bande de Gaza et en Cisjordanie
2- Les évènements actuels et récents ayant eu lieu en Palestine
3- Les mouvements d’actions non-violentes
4- Les mouvements d’actions des prisonniers Palestiniens en Israël
5- La résistance au quotidien par la population civile
En conclusion, les perspectives d’actions et d’avenir pour les Palestiniens.
1- LA SITUATION GÉNÉRALE EN PALESTINE.
Le reste de territoire Palestinien est divisé en deux parties : la Bande de Gaza et la Cisjordanie.
En Cisjordanie, la population connait depuis 2004 la construction d’un mur qui sépare les habitants du reste de leur famille, les paysans de leurs champs, les enfants des écoles. Dans ces territoires, la colonisation par Israël n’a jamais cessé malgré les résolutions de l’ONU et le Droit International, et on y compte à ce jour plus de 250 barrages et check-points qui empêchent la libre circulation des Palestiniens.
Les Palestiniens vivant dans la Bande de Gaza connaissent depuis plus de 7 ans un blocus et une fermeture totale des frontières, qui empêchent les perspectives de développement et de (re)construction (chantiers, santé, éducation …).
Le quotidien des Palestiniens se résume en trois mots : occupation, colonisation, humiliation.
Le déséquilibre existant entre Israël (5ème puissance militaire mondiale) et la Palestine rend l’issue du problème impossible. Au-delà de la situation économique du pays (liée à l’occupation), le plus important n’est pas les aides financières mais la recherche d’une solution politique, qui rendrait une reconstruction possible.
Aujourd’hui, l’aide de l’Union Européenne en Palestine représente 40% des chantiers sur place … Des infrastructures financées par l’Europe sont détruites par Israël lors de chaque attaque. Cependant l’UE ne réagit pas … d’où la nécessité d’une aide et d’un soutien politique.
Quelle différence entre 1948 et 2012 ?
1948 |
Jusque 2012 |
- Création de l’État d’Israël -Guerres et massacres commis par les Israéliens -Refuge des Palestiniens vers Gaza et les pays voisins -Situation misérable vécue dans les camps de réfugiés |
-Crimes de guerre -Colonisation -Crimes contre l’Humanité (constat réalisé par la Ligue des Droits de l’Homme) |
Une seule différence : les Palestiniens restent malgré les difficultés et par attachement à leur terre.
La situation en Palestine face à Israël.
Palestine |
Israël |
-Société divisée (2 projets différents dans le processus de Paix face à la colonisation) -Approche d’une crise financière (75% des revenus du territoire proviennent de l’extérieur, alors que les importations et exportations sont gérées par Israël) -Sur le terrain, pas d’actions égales et continues pour soutenir les revendications des Palestiniens -Société civile qui bouge (création de collectifs, d’associations), mais qui souffre de cette division -Disparition des pratiques démocratiques, valeur cependant importante aux yeux des Palestiniens |
-Société qui bascule politiquement vers la droite et l’extrême droite depuis 1982 |
Dans ce contexte, le problème ne peut être résolu de l’intérieur, d’où la nécessité d’une aide de la part de la Communauté Internationale, pour appliquer les Droits Internationaux.
Face à ces violations permanentes d’Israël, il reste 3 choses aux Palestiniens :
- La résistance non-violente au quotidien
- La mobilisation des autres pays du monde
- L’espoir
2- LES ÉVÉNEMENTS ACTUELS ET RÉCENTS
En 2005, les soldats et colons israéliens présents à Gaza et dans la Bande de Gaza se retirent.
Toutefois, entre 2009 et novembre 2012, les Palestiniens de la Bande de Gaza on connu 3 attaques Israéliennes, et depuis novembre 2012 cinq Palestiniens y sont morts. Ces agressions mettent en lumière des pratiques de crimes de guerre, contre lesquels la Communauté Internationale est impuissante. Cependant les Palestiniens restent partisans d’une solution pacifique et de la possibilité d’une Paix équilibrée entre Palestiniens et Israéliens.
Le 29 novembre 2012, c’est l’acceptation de la Palestine comme État … mais sur le terrain rien n’a changé.
3- LES MOUVEMENTS D’ACTIONS NON-VIOLENTES
Malgré les violations permanentes d’Israël envers les Palestiniens, ces derniers luttent par la non-violence : aujourd’hui on reconstruit les maisons, les écoles … même sous la menace d’une nouvelle attaque. Une résistance armée de la part des Palestiniens permettrait à Israël de pratiquer la violence en toute légitimité, alors qu’une résistance non-violente met Israël face à ses responsabilités.
En Cisjordanie, tous les vendredis, des manifestations non-violentes sont organisées contre le mur. La résistance non-violente peut attirer certains pacifistes Israéliens (peu nombreux car la société Israélienne se referme sur elle-même et se radicalise), ainsi que la solidarité des autres pays, les actions populaires et le soutien de la société civile
Le problème de la non-violence cependant est qu’elle n’est pas soutenue ; de plus la nature ponctuelle de ces actions ne permet pas aux Palestiniens de tester vraiment le fonctionnement et l’efficacité de la non-violence.
Ainsi, l’opinion générale évolue pour la cause Palestinienne car elle est une cause de Justice (sur place la réalité étant l’injustice) ; or il ne pourra jamais y avoir de Paix sans Justice.
4- LES MOUVEMENTS D’ACTIONS DES PRISONNIERS
Aujourd’hui, il y a encore 5 000 prisonniers Palestiniens entre les murs Israéliens, subissant des traitements comme l’isolement et la torture … L’armée Israélienne a une impunité totale sur l’arrestation et la condamnation des Palestiniens, de tout âge et sexe. D’où l’importance d’une résistance au quotidien, avec par exemple des mouvements de grèves de la faim par des prisonniers Palestiniens, pour certains jusqu’à 200 jours.
5- LES RÉSISTANCES AU QUOTIDIEN
Malgré les menaces proférées par les l’armée et la marine Israélienne, les paysans et pêcheurs Palestiniens continuent leur travail, tout comme les enfants continuent d’aller à l’école malgré les barrages et check-points.
La Femme Palestinienne tient un rôle très important dans la société Palestinienne ; en dehors de leur rôle politique et social, beaucoup de Femmes sont à la tête de hautes responsabilités. Elles n’ont jamais incité à la haine et ont toujours accompagné leurs enfants dans la non-violence à travers l’éducation. Car la Femme Palestinienne est mère de martyr, de prisonniers, de blessés, elle éduque ses enfants, car l’éducation est une forme de résistance non-violente. Aujourd’hui en Palestine, le taux de scolarité est de 93%, et l’éducation devient un signe d’espoir.
CONCLUSION
Les Palestiniens ressentent en général une absence de perspectives, mais 2 solutions peuvent changer les choses :
- Un soutien de la part des autres pays par un boycott officiel de l’État d’Israël : Boycott des produits Israéliens facilement importés commercialisés en Europe (parfois en réalité produits par des paysans Palestiniens puis réquisitionnés par Israël), et des manifestations sportives auxquelles l’État d’Israël participe et s’implique.
- Un développement de la lutte par la non-violence, ce qui mettra Israël face à ses responsabilités et attirera l’aide de la Communauté Européenne et des Nations-Unies.
Malgré la situation et face aux menaces, il existe une société civile qui persiste et résiste sur place, au quotidien, en espérant un changement. Les Palestiniens ont tout perdu, sauf l’espoir ; ils restent patients et s’adaptent à la situation jusqu’au jour où les choses changeront.
Même si l’enfermement subi par les Palestiniens continue parfois à faire naître une poussée d’extrémisme, l’éducation et l’enseignement restent une ouverture au monde, un moyen de résistance et de lutte non-violente.
La Palestine d’aujourd’hui est une Palestine de patience, de résistance, mais aussi une Palestine d’espoir,
D’espoir de Paix dans la Justice.
*
QUESTIONS-RÉPONSES
Quelle différence y-a-t-il entre les Palestiniens restés en Israël et ceux qui vivent en Cisjordanie ?
Ils sont 300 000 Palestiniens à avoir fuit la Palestine après 1948 à cause de la guerre. Mais leurs actions sont les même que ceux restés en Palestine, car ils sont révoltés d’être éloignés de leur terre. Dans les pays où ils se sont exilés, ils subissent la discrimination, des mesures politiques tirées de l’apartheid, et se voient empêchés de revenir en Palestine. Même s’il y a eu beaucoup de changements démographiques depuis 1948, la solidarité d’actions entre Palestiniens et expatriés persiste car il existe entre eux des liens et de l’attachement.
Si la solution doit venir de l’extérieur, qu’attendre de la visite de Barack Obama en Israël ?
1- Les Palestiniens espèrent toujours des solutions, même si elles ne sont pas évidentes. Il y a eu beaucoup d’espoir en 1994 après les accords d’Oslo, mais le relâchement politique des autres pays depuis amène des dérives de la part d’Israël.
2- Les Palestiniens sont déçus de la politique Américaine et espèrent un changement. Ils affrontent une réalité, l’État d’Israël et sa politique agressive, et espèrent un boycott de la part des États-Unis envers l’État d’Israël : chaque année, les États-Unis versent 5 milliards de Dollars d’aide au gouvernement Israélien, ce n’est pas pour le condamner.
Quel boycott appliquer ?
Seulement 4% de produits Palestiniens sortent du territoire, d’où la nécessité d’une économie alternative, avec des unions et coopératives agricoles). Cependant il faut rester méfiant car certains produits Israéliens sont cultivés sur des terres Palestiniennes, et ainsi vendus sous une autre étiquette, d’où l’importance d’un boycott officiel.
Quel est le pouvoir des médias dans la lutte et le boycott ? Les lobbys sionistes ont-ils du pouvoir en France ?
La France officielle, politique, éducative et associative est une France de soutien à la Palestine. Cependant, les médias officiels ne parlent que de violence, de guerre, de clashs … et se désintéressent de Gaza quand il n’y a pas d’affrontements violents. Certaines actions et manifestations passent à la trappe car elles sont « hors action ».
Ainsi se développe l’importance des médias alternatifs ; les Palestiniens exploitent les réseaux sociaux davantage que les médias pour mettre en lumière leur résistance et leur situation.
La Palestine comme État indépendant et libre, est-ce vraiment possible ?
En tout cas, il y a de l’espoir chez les populations. C’est pourquoi elles restent, continuent de se battre et de s’instruire, dans l’espoir de vivre en Paix, libres et indépendants. Mais la création d’un seul État réunissant Palestine et Israël reste une utopie ; le moment n’est pas encore venu. Le rêve des Palestiniens, avant celui de la création d’un État, est de vivre libres et indépendants ; c’est pourquoi il faut commencer par réaliser les attentes des Palestiniens.
Quels sont les traitements infligés aux enfants Palestinien par Israël ?
Selon un rapport de l’UNICEF qui met en avant la situation illégale d’Israël vis-à-vis des Droits Humains et Internationaux, toute la société Palestinienne souffre. On compte 240 enfants de moins de 16 ans emprisonnés par Israël ; avant même ces abus d’incarcération, le mur et le blocus sont déjà un crime envers le peuple Palestinien.
Dans ces circonstances, il est nécessaire d’appliquer le Droit International et de trouver des solutions pour mettre fin à ces dérives. Le rôle de la société civile dans ce cas est de sensibiliser et informer pour arriver à une intervention politique Européenne, et ainsi créer une pression et une menace contre Israël.
Des interventions sont-elles possibles ?
Le gouvernement Palestinien pourrait saisir le Tribunal Pénal International pour intervenir contre Israël, mais l’autorité gouvernementale hésite et n’agit pas depuis la reconnaissance de la Palestine comme État ; il n’y a pas de volonté réelle de condamner Israël, et les seules véritables interventions restent des initiatives citoyennes et non pas gouvernementales. De plus certains pays comme les États-Unis, le Canada et l’Angleterre ont menacé de stopper leur soutien à l’autorité Palestinienne en cas d’action contre Israël (le financement de l’autorité Palestinienne à Gaza représente 10% contre 90% pour les États-Unis, le Canada, l’Angleterre et les pays Arabes, qui ont ainsi le pouvoir d’une pression financière).
Les autorités Palestiniennes sont-elles corrompues ?
C’est ironique, mais la corruption est en baisse car l’argent se fait rare en Palestine (crise financière).
La victoire du Hamas aux dernières élections à plus de 65%, est due à :
-L’échec du processus de Paix et le désespoir du Peuple
-Les pratiques de corruption (vis-à-vis des ex-autorités)
-La forte présence du Hamas dans les structures sociales
Quelle est l’éducation à la non-violence ?
La non-violence en Palestine est un acte de résistance par organisation et mobilisation, boycott, refus de payer les impôts, persistance à aller travailler contre toute interdiction, accès à l’école, inutilisation des armes à feu. Elle est peu appliquée car la Palestine est dominée par deux partis politiques rivaux n’ayant jamais pratiqué la non-violence. Israël a peur de cette résistance, c’est pourquoi elle s’applique à réprimer ces actions et affaiblir les organisations. La non-violence pourra réellement exister et fonctionner si ces actions sont montrées, suivies et soutenues.
Au-delà de la résistance pacifique, qu’est-ce qui pourrait inciter la Communauté Internationale à changer d’attitude vis-à-vis de la situation en Palestine ?
Aujourd’hui, la conjoncture n’est pas du côté des Palestiniens. La création de l’État Israélien est due aux États-Unis et à l’Union Européenne. Avant, le conflit concernait Israël, la Palestine et les pays Arabes ; aujourd’hui il s’agit d’un conflit Israélo-Palestinien : la conjoncture est contre la Palestine, qui subit de plus en plus l’isolement.
Encore une fois, cette conjoncture et cette situation divisée réclament une aide extérieure.
La poésie est-elle un moyen de mieux comprendre la situation en Palestine ?
La culture est une forme de résistance, qui peut toucher un public très large, d’où l’importance de créer une réflexion et des facteurs de discussion à travers les échanges et l’éducation.
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